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L’homme & la plume

« J’ai eu une vie cahoteuse, pour ne pas dire chaotique »

Claude GOUSSARD naît en 1950 à Autun, ville du Morvan où réside sa grand-mère maternelle,

Ses parents, Gustave, un érudit originaire d’une famille de fermiers beaucerons, et Yvonne, institutrice bourguignonne « pur jus », vivent alors dans un petit village du Charolais, où ils se sont rencontrés pendant la guerre. Un premier fils, Jean, est né en 1948,

La famille déménage en 1953 à Chalon-sur-Saône, où le père travaille à Creusot Loire et la mère rejoint l’école des filles des Charreaux, qu’elle va diriger durant de longues années,

C’est là, en regardant le ballet des péniches sur la Saône, que Claude fait ses premiers rêves de bateaux et d’aventures. Un goût qu’il développe en mode maritime lors des vacances d’été passées chaque année à Granville, chez Mado, l’amie d’Yvonne.

Passionné de lecture, d’architecture et de navigation, l’enfant puis l’adolescent manifeste très tôt des dons pour les arts,

Bien que rarement assidu en cours où il s’ennuie, Claude fait l’admiration de ses professeurs dont certains voient en lui un futur écrivain.

Après un bac littéraire, il intègre Hypokhâgne à Dijon. Toutefois, on est en 1968 et ce qui se passe dehors est tellement plus excitant!, Claude va alors se frotter avec la « vraie vie »,

En 1967, il a créé une affiche primée lors d’un concours chalonnais « Bachot rythme »

En 1968 et 1969, il est 2 fois lauréat de la bourse d’aventures « Zellidja »

Adolescent en mer
Dantec à 3 ans

Le jour de ses 21 ans, il abandonne ses études et quitte sa famille. Il multiplie les petits boulots et les expériences artistiques,

Il continue à dessiner et rejoint le groupe des artisans de la Grosne, en Mâconnais, où il s’adonne à la sellerie.

En 1976, il découvre la Bretagne et vit à Pont-Aven, Il expose chez Nicole Corelleau, puis à Quimper, des cuirs et des bois encrés.

Durant cette période, il s’initie au graphisme, aux entrelacs celtiques des livres de Kells et de Lindisfarne ainsi qu’à l’hermétisme de la broderie traditionnelle, Il intègre un milieu culturel en pleine ébullition où il trouve sa place, côtoie des peintres, des musiciens et des écrivains. Il fréquente aussi les ports et embarque dès qu’il peut pour des virées en mer.

Carnaval de Morlaix – Dantec est agenouillé à la gauche du roi barbare Per 1er
Dantec à l’ouvrage
Le survol du Mont St Michel a permis la réalisation de « Marée basse »

En 1979, il s’installe à Morlaix où il travaille dans un atelier de sérigraphie avant de monter sa propre société de publicité, AXIS qui propose des créations de logos, d’affiches, de catalogues, de packaging alimentaire et travaille pour l’union commerciale. Mais il quitte très vite costume , cravate et bureau et part convoyer deux ans durant des bateaux entre Europe du Nord et Méditerranée.

De retour en 1984, il se fait éditeur ( président des éditions du Dossen)  et illustrateur, livre des affiches de spectacle et crée dès 1986 les premiers dessins signés Dantec.

Sa première exposition a lieu à la librairie KORNOG tenue par l’ami Georges JOUIN, en décembre 1987.

Le public découvre alors un monde imaginaire et fantastique, des dessins pleins de finesse et non dépourvus d’humour. C’est le succès immédiat et Dantec participe à de nombreuses expositions en France et à l’étranger,

Dans cette première période d’artiste en tant que tel, les dessins de Dantec sont encore polychromes, mélanges de trait à l’encre et de lavis de couleur. Les sujets des tableaux se fondent sur des gags visuels et des jeux de mots picturaux.
Dantec est jusqu’alors influencé par les techniques graphiques de la publicité et de l’édition ; ses œuvres semblent plus illustrations que  tableaux à part entière. Les ciels, les ombres, les personnages sont quasi-absents.

En 1988, l’artiste découvre l’œuvre gravée de Philippe Möhlitz. L’humour acerbe, la vision morbide et dérisoire du maître bordelais vont le hanter durablement, Il s’exerce jour après jour à surpasser la finesse du trait du burin, à multiplier les détails, à échafauder des perspectives plus audacieuses que celles de son modèle. Il s’agit de combler le retard qui le sépare de son aîné avec lequel il se sent des élans créatifs  communs,

Autre maître parmi les maîtres, Rodolphe Bresdin. Ce graveur maudit du XIXè siècle accompagne à partir de 1990 l’évolution artistique de Dantec qui lui consacre un de ses dessins préférés (Hommage à Rodolphe Bresdin), C’est le début d’une période quasi-mystique où la forêt originelle devient le refuge presqu’utérin de l’artiste. Les constructions cyclopéennes de l’humanité s’y fondent, dérisoires et la nature primordiale finit par les digérer. Dantec peuple ses dessins d’une étrange présence – comme si un esprit invisible habitait l’ombre des buissons, le creux des ruines. Le dessinateur martyrise le papier par des surcharges d’encre et la nuit qui envahit les tableau est recherche d’un seul rayon de lumière mystique caressant la muraille des prisons.

Peintre de … marine !
Sortie de l’Ars Europa

En 1992, Dantec revient en Bourgogne pour réaliser son rêve : l’aménagement d’une péniche de 38 mètres en galerie d’art.

Il retrouve là-bas les artistes complices de sa jeunesse, graveurs et sculpteurs, réapprend les paysages et les scènes du fleuve, les mystérieux secrets tapis au creux des rives frangées de détritus,

Sur son bateau Ars Europa, qu’il restaure à grands coups d’oxycoupeur et de soudure, il a tout loisir d’apprendre le rendu des coulées de rouille, des vomissures de vase et d’algues.

Les tableaux de cette époque reflètent sans complaisance la vision amère qu’il a de l’agonie du monde batelier où il s’est plongé, navigant avec les mariniers, collectant leur langage (élaboration du « dictionnaire marinier illustré »), défendant leur cause.

Le fer rouillé, des pans de béton jaillissent des talus hirsutes au bord de canaux à l’eau aphteuse où gisent des épaves.

En 2002, retour vers la Saône et Loire natale. Le bateau vient s’amarrer au port de Chagny, Malheureusement, la santé de Dantec commence à décliner et il faut mettre définitivement pied à terre

Entre côte de Beaune et côte chalonnaise, c’est dans une vieille maison de vigneron entourée d’un jardin et d’un verger que l’artiste poursuit son œuvre. Un véritable refuge qui lui permet de renouer avec ses racines et lui apporte une certaine paix intérieure.

Il s’ adonne  à la création d’un jardin de simples et de produits issus des récoltes du jardin dont il régale ses visiteurs. Grâce à cette passion, les difficiles années de maladie lui paraissent plus supportables.

Sa dernière exposition personnelle a lieu à la Serrurerie à Beaune en 2014.

De plus en plus affaibli, Dantec décède en août 2018.


l’art et la manière – fiche technique

Outils: plume acier, pointe tubulaire Rotring 0.10mm, plume du peintre, scotch repositionnable.

Papier: blanc pur, grain fin à moyen, grain 250g à 400g (Schoellershammer, Canson, Vinci). Pour l’impression, Centaure 250gr blanc, ivoire ou naturel.

Encre:  …de Chine, marque Rotring

processus

1- Trouver l’Idée. Mes dessins sont écriture, la notion d’esthétique ou de décoration en est bannie. Trouver l’Idée peut durer des années, ou quelques secondes. On peut trouver l’Idée, et mettre des années à lui donner des contours. On croit parfois l’avoir trouvée, et après plusieurs essais, s’avouer que c’était une idée creuse.

2- Cadrer l’Idée. Visualiser l’image, y loger les éléments, y cacher des gags ou des facteurs dramatiques, ébaucher l’histoire… dans la tête bien sûr !

2b-Cadrer le support. Définir et masquer les marges. Aucun marquage crayon, le gommage altère le support, qui va supporter les bras, les doigts, l’haleine, la sueur de l’artiste  pendant au moins un mois. Placer un buvard sous la main qui dessine.

3- Placer les jalons. Esquisser au Rotring les contours des éléments majeurs, un peu partout dans le cadre défini, en restant très discret.

4- Définir la lumière. À gauche, à droite, en haut, en bas, devant, derrière, crue, diffuse, centrée, décalée, multidirectionnelle…

5- Détailler. Approfondir les détails, insérer un élément amusant, allusif,  dramatique, une scène d’arrière-plan incongrue ou décalée, voire impossible.

6- Contraster, donner du noir. Croiser les hachures, couche après couche, pour donner du relief. Ne jamais déposer plus de trois couches à la suite, sous peine de fragilisation du papier qui peut être déchiré par la pointe (toujours 0.1mm de diamètre)..

7- Sauvegarder les blancs. Le blanc est une absence de couleur. C’est une infinité de traits noirs qui donne les gris clairs, moyens, foncés. Il ne doit jamais être détouré. Un fil électrique dans un tunnel c’est l’arrêt au vingtième de millimètre de quelques centaines de hachures plus ou moins longues : si une hachure est trop longue, elle coupe le fil, le courant ne passe plus. Dommage! Un fourré de lianes inextricables, c’est plusieurs plans superposés, de la liane qui est devant à celle qui est au cœur du fourré, de plus en plus sombre, jusqu’au « presque-noir ». Si c’est un fourré de ronces,  çà se complique, il y a des épines.

8- Survol et pointillé. Pour rendre le grain d’une joue ou d’un sein de jeune fille, la pointe effleure rapidement le grain du papier, provoquant une sorte de pointillé. Plus le mouvement est rapide, plus le point est fin. Si la pointe griffe le papier, elle provoque une porosité et, à la passe suivante, un trait épais et irrégulier, une estafilade sur la chair. Poubelle.

9- Nuages. Même technique que ci-dessus. Survol moins contrôlé. Souvent, c’est le papier qui donne les différents contours, qu’on peut ensuite renforcer. C’est très gratifiant et pas trop difficile. Par contre, dans les ciels tourmentés, bien respecter la règle des trois couches au plus. Le « presque-noir » d’un soir d’orage, c’est vingt à trente couches croisées. Plus il y en a, plus les temps de séchage entre couches augmentent. Si l’on va trop loin, la couche d’apprêt du papier s’arrache. Poubelle.

10- Repentirs. Impossibles en dessin à l’encre. Poubelle.

11- Ratages. Au bout d’une semaine ou deux, on s’aperçoit qu’on fait fausse route. On continue une semaine, on essaie de sauver les meubles. Finalement on le brade, ou on l’offre à quelqu’un qu’on aime moyennement. Mieux vaut Poubelle.

12- Savoir s’arrêter. À un certain moment, il faut savoir s’arrêter : le papier est devenu trop fragile, le risque de déchirement et de tache est trop grand. On aurait bien aimé aller plus loin, vers le Noir.

13- Encadrement. Jonc noir minimal, verre ni dépoli, ni anti-reflet. Ça casse le contraste, en admettant qu’on y soit parvenu. Le tableau est toujours vendu avec son cadre d’exposition, quel qu’en soit l’état après plusieurs expos.

14- Reproductions. Une quarantaine de repros sur Centaure ivoire ou blanc, de divers formats, ont été tirées sur offset par l’Imprimerie de Bretagne à Morlaix et par JYB Repro au Creusot, contresignées et numérotées en marge, à 100, 120 ou 130 exemplaires. Les plaques ont été détruites, rayées ou vernies après tirage.

15- Signature. A L’origine, c’est une idée de Dürer. Dürer procédait toujours de cette façon en plaquant sa signature dans des coins sombres et en l’intégrant de façon sommaire dans le dessin…Le fait de cacher la signature oblige la personne à visiter le dessin et donc à voir les détails. ..Mon travail est un travail de myope, ce sont les détails qui comptent. La « chasse à la signature » permet cette lecture